Concert d'Eric Clapton & Steve Winwood, à Bercy (Paris), le 25 mai 2010

Publié le par François

claptonwinwood.jpgSe retrouver dans la même salle qu'une de ses plus grandes idoles fait toujours un étrange effet. On se pince, on regarde alternativement les écrans géants et le petit  bonhomme que l'on aperçoit sur scène. On a du mal à y croire, à vraiment goûter le moment, jusqu'à ce qu'enfin, LE moment se produise : celui où toute la passion se cristallise et que l'émotion vous submerge.

En ce beau soir de mai, à Bercy, c'est lorsqu'Eric Clapton a pris un solo des plus brefs et nuancés, sur "Georgia on my mind" de Ray Charles, chanté par Steve Winwood, que ce moment s'est produit : un frisson m'a parcouru de la racine des cheveux aux doigts de pieds et les larmes me sont montées aux yeux. C'est donc cela, la magie Clapton : avec un langage somme toute relativement codifié, très peu de notes, arriver à exprimer au plus juste une émotion poignante !

Le concert était déjà bien entamé quand cela s'est produit. Nous avions déjà eu droit à plusieurs morceaux de Blind Faith ("Had to Cry", "Presence of the Lord", Well allright"), quelques morceaux tirés de la carrière solo de Steve Winwood ("Glad", "While you see a chance", "Midland maniac"), quelques hits de Clapton  comme "After midnight", quelques reprises, dont le superbe "The Shape I'm In" de The Band, rappelant au passage combien ce groupe compta dans les 70's pour Clapton. Mais surtout, il y eut les blues. Si les puristes ont pu s'interroger sur la légitimité d'un petit anglais blanc à jouer le blues, on peut dire, comme le révèle la terrible autobiographie de Clapton, Clapton par Eric Clapton (Éditions Buchet Chastel, 2007), qu'il a eu plus que sa part de malheur et que le blues lui colle à la peau. "Tuff Luck", "Key to the Highway" et un blues à la slide guitare démontrèrent que Clapton n'est jamais mieux dans son élément que quand il joue les douze mesures.

Après "Georgia on my mind", les deux vétérans nous offrirent un passage acoustique des plus réussis, avec "Driftin'", "How long", un blues de Skip James, "Layla" et le magnifique "Can't find my way home" où Winwood et Clapton échangèrent de beaux soli.

Alors que la première partie du show avait été marquée par quelques trous d'airs, notamment lors des morceaux de Winwood ("While You See a Chance", "Midland Maniac"), la fin fut magistrale, avec "Gimme some lovin'", qu'on n'osait pas attendre, mais qui nous replongea dans les racinces rythm'n'blues du duo, l'hommage rendu à Jimi Hendrix ("Voodoo Chile", saignant), l'incontournable "Cocaine", et en rappel, un "Dear Mr Fantasy" d'anthologie.

Par rapport au récent Live from Madison Square Garden, outre les sensibles évolutions de répertoire, on notera des changements dans le personnel. Si le remplacement de Ian Thomas par Steve Gadd fait perdre un peu de finesse et rend l'ensemble un peu plus binanire, l'apport de deux choristes noires américaines, Sharon White et Michelle John, magnifie la beauté des compositions en en renforçant le lyrisme. Les choristes épaulent aussi admirablement Steve Winwood, qu'on a senti un peu en dedans au niveau vocal, pendant qu'Eric Clapton surprenanit par sa présence vocale. Côté guitare, si le style de Winwood n'a pas la fluidité de celui de Clapton, ils ont joué à armes égales côté inspiration, le fondateur de Traffic s'imposant peu à peu au fil du concert comme un excellent comparse de Slowhand.

Plus qu'un simple bon coup médiatique surfant sur la vague des multiples reformations de groupes mythiques, les retrouvailles entre Eric Clapton et Steve Winwood sont l'occasion de relire leurs répertoires communs et respectifs et de rendre cette musique toujours vivante... Bien sûr, le fan, entendant "Driftin'" à Paris aura immanquablement dans l'oreille la version de l'album EC was Here, ou entendant le "Cocaine" parisien la version de l'album Just One Night, mais pour "just one night, EC was here ", et cela n'a pas de prix !

Publié dans Concerts

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